INTRODUCTION À LA PARTIE 1

LEO KLINKERS et Herbert Tombeur

C'est le début de notre tentative d'améliorer la constitution fédérale qu'Herbert Tombeur et moi-même avons conçue entre août 2012 et mai 2013. Elle a déjà été améliorée par la FAEF sur quelques points. Mais il est toujours possible de l'améliorer. D'où cette convention citoyenne.

Nous avons pris comme meilleure pratique la célèbre constitution fédérale américaine de 1787, mais nous ne l'avons pas simplement copiée. Notre constitution a été adaptée à la situation actuelle en Europe, sans les défauts de la constitution américaine et avec l'ajout d'aspects de démocratie directe. Nous avons également ajouté un préambule et un exposé des motifs. Ceux-ci étaient absents en 1787. Ils ont été partiellement restaurés par les Federalist Papers de James Madison, Alexander Hamilton et John Jay. Dans 85 Papiers, ils ont expliqué plus en détail ce que les membres de la Convention de Philadelphie entendaient par leur constitution en sept articles. Mais il est préférable que les rédacteurs d'une constitution expliquent eux-mêmes ce qu'ils entendent par là. C'est ce que nous avons fait.

Notre constitution fédérale se compose d'un préambule et de dix articles. Pas plus. C'est suffisant pour un État fédéral démocratique et puissant.

Introduction au préambule
Le préambule est un aspect particulier d'une constitution. Il contient la raison, la motivation pour faire cette constitution, contenue dans des articles qui règlent les relations entre les citoyens et le gouvernement. Le préambule est axé sur les valeurs. Les articles sont les normes par lesquelles ces valeurs doivent être préservées.

Le préambule et les articles forment donc une relation fin-moyens. Cela exige une attention particulière à la formulation de ces deux textes. Il s'agit de valeurs humaines. Pas des droits de l'homme. C'est l'objet de l'article 1. Les normes doivent avoir le pouvoir de garantir la préservation de ces valeurs humaines.

Le préambule distingue trois groupes de valeurs. Le premier commence par un aspect frappant tant de la Déclaration d'indépendance de 1776 que de la Constitution fédérale rédigée onze ans plus tard par la Convention de Philadelphie, à savoir l'idée que le gouvernement existe pour aider les citoyens à poursuivre leur bonheur. C'est là que se rejoignent d'autres valeurs, telles que la préservation de la diversité de toutes les formes de vie sur Terre, le respect de la diversité des sciences, des cultures, des ethnies et des religions, la compassion pour les moins fortunés, et le fait que la sagesse, la connaissance, l'humanité, la justice et l'intégrité indiquent clairement que la fédération tire ses pouvoirs du peuple, que tous les habitants de la Terre sont égaux et que personne n'est au-dessus de la loi.

Le deuxième groupe de valeurs est redevable aux idées des philosophes politiques européens à qui nous devons les normes de l'organisation fédérale. Mais aussi aux dirigeants politiques qui, après la Seconde Guerre mondiale, ont œuvré pour une Europe unie fondée sur une constitution fédérale. Considérons en particulier Altiero Spinelli. Une valeur importante est l'observation que le système fédéral est basé sur une séparation verticale des pouvoirs. L'organe fédéral n'est compétent que pour une petite liste de questions d'intérêt commun. Tous les autres pouvoirs appartiennent aux États membres et à leurs citoyens. C'est la souveraineté partagée. Enfin, ce groupe de valeurs consacre la trias politica et les freins et contrepoids qui l'accompagnent, tant au niveau fédéral qu'au niveau des États membres.

Le troisième groupe de valeurs établit que les citoyens ont non seulement le droit de changer, par le biais d'élections, la composition des gouvernements, mais aussi le droit inaliénable de déposer les autorités fédérales si celles-ci violent les valeurs des deux groupes précédents. Il s'agit d'une référence à la Magna Carta anglaise de 1215, au Plackaat van Verlatinghe néerlandais de 1581 et à la Révolution française de 1789 : si les despotes nuisent au peuple, le peuple a le droit de les déposer.

Qui peut améliorer ce préambule ?
Ce préambule est bon. Mais il peut toujours être meilleur. Nous faisons appel à la sagesse et aux connaissances des membres de la Convention des citoyens pour trouver ce "mieux". 


PARTIE 1  |  02 – 23 OCTOBER 2021

Le projet de Constitution (1er août 2021)

PREAMBULE 

Nous, citoyens des États [ici une liste des États participants],

I. Considérant que
(a) que la fédération des États-Unis d'Europe, établie par nous, a la tâche et le devoir de nous soutenir en tant que citoyens dans notre recherche du bonheur dans la liberté ;
(b) qu'elle doit soutenir notre quête du bonheur, sur la base de

  • à travailler sans relâche pour préserver la diversité de toutes les formes de vie sur Terre,
  • sur le respect inconditionnel de la diversité des sciences, des cultures, des langues, des ethnies et des croyances des citoyens au sein de la fédération,
  • et sur la compassion humaine pour les citoyens de l'extérieur de la fédération qui veulent trouver leur bonheur au sein des États-Unis d'Europe ;
  • qu'en l'accomplissant, il doit témoigner de la sagesse, de la connaissance, de l'humanité, de la justice et de l'intégrité, dans la pleine conscience qu'il tient ses pouvoirs du peuple, que tous les hommes sur terre sont créés égaux et que personne n'est au-dessus de la loi. 

II. Considérer davantage :
(a) que cette Constitution fédérale est fondée sur la richesse des pensées, des considérations et des désirs des philosophes européens - et des dirigeants politiques européens après la Seconde Guerre mondiale - d'unir l'Europe dans un État fédéral ; 

(b) que le système fédéral est fondé sur une séparation verticale des pouvoirs entre les États membres et l'organe fédéral, par laquelle les États membres et l'organe fédéral partagent la souveraineté ; 

(c) que la séparation horizontale des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire (trias politica), tant au niveau de l'organe fédéral qu'à celui des États membres, soit garantie par un solide système d'équilibre des pouvoirs. 

III. Considérant enfin que, sans préjudice de notre droit de modifier la composition politique de l'organe fédéral lors des élections, nous avons le droit inaliénable de déposer les autorités de la fédération si, à notre avis, elles violent les dispositions des points I et II, 

Adopter les articles suivants pour la Constitution des États-Unis d'Europe, 

Exposé des motifs du préambule

Le préambule "Nous, citoyens des États ..." montre que cette Constitution est ratifiée par les citoyens eux-mêmes. Elle est donc de, par et pour les citoyens des États-Unis d'Europe, conformément à l'adage "Toute souveraineté appartient au peuple".

Les "États-Unis d'Europe" sont constitués des citoyens, des États membres et de l'autorité fédérale. 

Il s'agit d'une constitution, pas d'un traité. Lorsque des pays ou des régions veulent vivre ensemble en paix et doivent coopérer à travers des frontières historiquement déterminées, mais veulent néanmoins conserver leur autonomie et leur souveraineté, une fédération est la seule forme d'État qui puisse le garantir. Ce n'est pas possible avec un traité. Un traité est un instrument permettant aux administrateurs de coopérer dans des domaines politiques sans avoir à rendre régulièrement compte démocratiquement des décisions qu'ils prennent. 

Le fait que cette Constitution soit d'abord ratifiée par les citoyens et seulement ensuite par les parlements des États membres indique que - conformément aux aspects élémentaires du fédéralisme formulés par Johannes Althusius dans sa Méthode politique vers 1603 - elle est établie de bas en haut et non imposée d'en haut. 

Cette Constitution fédérale garantit l'intérêt commun des citoyens des États-Unis d'Europe et laisse aux citoyens des États membres, et aux États membres eux-mêmes, le soin de servir leurs propres intérêts. 

C'est pourquoi cette Constitution fédérale se compose d'un nombre limité de règles de nature générale contraignante. Il n'y a pas d'exceptions - motivées par des intérêts nationaux - à ces règles générales contraignantes. 

Explication de la considération Ia 

Le mot "bonheur" ne figure pas dans le préambule de la Constitution américaine. Nous l'avons inclus dans notre préambule. Pourquoi ? Parce que le sens global de la Constitution américaine repose sur le droit des citoyens à poursuivre leur bonheur et sur le devoir du gouvernement de les y aider. Cette caractéristique fondamentale de cette Constitution découle de la Déclaration d'indépendance rédigée par Thomas Jefferson en 1776, qui stipule, entre autres choses, que 

"Nous tenons pour évidentes ces vérités, que tous les hommes sont créés égaux, qu'ils sont doués par leur Créateur de certains droits inaliénables, que parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur." 

Soit dit en passant, dans le préambule sous Ib, nous avons remplacé les mots "tous les hommes" par "tous les peuples". Une interprétation trop littérale du mot "hommes" pourrait suggérer que 51% de la population, les femmes, seraient exclues. 

En mentionnant explicitement le mot "bonheur" dans le Préambule européen, nous voulons faire comprendre que le droit de chaque citoyen de poursuivre son propre bonheur, et la tâche des gouvernements d'aider ce citoyen à le faire, est un aspect essentiel de notre Constitution fédérale. En inscrivant ce droit inaliénable dans le préambule, il devrait être clair pour chaque gouvernement au sein du système fédéral européen que la réalisation de ce droit ne peut dépendre des élections. Cette construction donne une légitimité supplémentaire à l'élaboration d'un Préambule : quel que soit le Parlement ou le Gouvernement qui sera en place, ce sont les objectifs que chaque autorité publique doit viser. 

Avec la dernière phrase du préambule ("acceptation et tolérance de ..."), nous voulons souligner qu'un débat multiculturel dans la poursuite d'une Europe fédérale est une perte de temps pour nous. Depuis que les Bataves, les Gaulois, les Goths, les Huns, les Saxons, les Francs, les Maures, les Celtes, les Romains, les Habsbourg et les Vikings ont parcouru l'Europe, ce continent, et chaque État qui le compose, a été, et est toujours, multiculturel. Et c'est une bonne chose. C'est la force de l'Europe.

Un État fédéral reconnaît une identité culturelle européenne dans le respect de la diversité des identités culturelles au sein des États membres. Par exemple, Gerard Mortier déclare dans une interview au journal belge De Tijd : 

"Nous faisons tous partie d'une grande communauté culturelle. (...) Le temps des Etats-nations est révolu. (...) L'identité européenne existe, à travers l'histoire. C'est une réalité, pas une invention de la Commission européenne ou du Parlement européen. Seulement : pourquoi les hommes politiques ont-ils tant de mal à expliquer cette identité culturelle européenne ? (...) L'identité culturelle européenne ne détruit pas l'identité locale. Après tout, la langue d'Oc n'a pas disparu en faisant partie de la France. Les nombreuses cultures différentes peuvent même mieux s'exprimer dans cette fédération européenne." 

Explication de la considération Ib 

En premier lieu, cette considération donne à la fédération la tâche de travailler sans relâche à la préservation de la diversité de toutes les formes de vie sur Terre. L'échec de la préservation de la diversité de toutes les formes de vie menace la vie humaine sur Terre. Cette tâche exige une coopération, une expertise et une fiabilité maximales au sein des autorités de la fédération. 

Deuxièmement, la fédération respecte au maximum la diversité dans la vie sociale. Partout où elle disparaît, des monocraties sont créées, condamnant des parties de la société à la consanguinité. La diversité des sciences, des cultures, des ethnies et des religions crée de nouvelles sciences, cultures, ethnies et religions. Cette Constitution rejette donc toute agitation visant à protéger le soi-disant "peuple d'abord" et utilisera tous les moyens légaux pour combattre une telle agitation. 

Troisièmement, en conséquence de ce qui précède, ce préambule indique explicitement qu'il n'y a pas de place pour un slogan tel que "l'Europe d'abord". La Fédération des États-Unis d'Europe partage sa place sur Terre avec tous les autres peuples et ne s'enferme pas derrière les murs d'une "Forteresse Europe". La fermeture des frontières extérieures à des fins de protectionnisme de son propre peuple ne figure pas dans la liste des crimes contre l'humanité, mais elle est néanmoins lourdement sanctionnée : la disparition à terme de ce que l'on souhaite préserver. En d'autres termes : des frontières extérieures ouvertes, pas des frontières fermées. Cela crée des obligations : 

  • Concevoir et mettre en œuvre des plans tels que le plan Marshall (1948-1952) pour soutenir les pays pauvres dans leur développement économique afin d'éliminer la nécessité de fuir en Europe. 
  • Avec effet immédiat, offrir une existence humaine aux quelque quatre-vingts millions de réfugiés qui se demandent sur la terre. 
  • Renforcer la position démographique et géopolitique de l'Europe en offrant aux immigrants une existence sûre au sein de la Fédération avec sagesse, connaissance, humanité, justice et intégrité. 
  • En considérant la mise en œuvre de cette dernière comme l'un des intérêts communs de la fédération. 

Cette Constitution est donc une tâche et une opportunité de renouvellement politique fondamental, maintenant que les démocraties d'après-guerre sont arrivées au terme d'un cycle de vie de soixante-quinze ans et ont conduit à l'exclusion des citoyens au profit d'une gouvernance fondée sur des traités qui, de par sa nature même, est devenue de plus en plus oligarchique et protectionniste. 

Une citation de Robert Michels : 

" La loi d'airain de l'oligarchie : l'organisation implique la tendance à l'oligarchie. Dans toute organisation, qu'il s'agisse d'un parti politique, d'un syndicat professionnel ou de toute autre association du genre, la tendance aristocratique se manifeste très clairement. (....) Lorsque
Les démocraties ont atteint un certain stade de développement, elles subissent une transformation progressive, adoptant l'esprit aristocratique, et dans de nombreux cas aussi les formes aristocratiques, contre lesquelles elles luttaient au départ avec acharnement." 

Explication de la considération Ic 

La fin prévisible du cycle de vie politique des démocraties d'après-guerre, comme nous venons de le mentionner, place les pays qui cherchent à protéger la démocratie dans un "tour de force" comparable à la révolution des Lumières. La démocratie et la représentation du peuple doivent être réinventées sur la base du principe "Toute souveraineté appartient au peuple". 

Le traité de Lisbonne doit céder la place à une Constitution qui prend pour point de départ la représentation des citoyens. Cela implique, entre autres, l'abolition du Conseil européen des chefs de gouvernement et d'État, la création d'un Parlement européen fondé sur la représentation proportionnelle au sein d'une circonscription - le territoire de la Fédération - et un gouvernement exécutif dirigé par un président élu par les citoyens. Ainsi, dotés d'un mandat démocratique. 

La raison est expliquée par Thomas Jefferson : responsable devant un vrai parlement. "Ne laissez aucune autorité existante non responsable devant le peuple". De tous les aspects non démocratiques de l'UE, le Conseil européen constitue l'erreur la plus grave, car cet organe, chargé de la prise de décision finale dans l'UE, n'est pas pleinement... 

Cela ne peut réussir qu'avec la sagesse, la connaissance, l'humanité, la justice et l'intégrité. Avec seulement deux certitudes : si elle réussit, c'est une révolution cruciale pour la préservation de l'Europe. Si elle échoue, à la fin de ce siècle, après la dernière guerre tribale en Europe initiée par l'anarchie des États-nations, quelqu'un éteindra la lumière en Europe. 

Les démocraties ne peuvent empêcher que les élections conduisent à des groupes au sein des institutions démocratiques qui souhaitent utiliser leur pouvoir contre la démocratie. Cette Constitution permet aux institutions de la démocratie de faire face autant que possible aux abus des procédures démocratiques en mettant en place des mécanismes de défense.

Voir Matteo Laruffa, The Institutional Defences of Democracy, "The institutional defences of democracy". Voir également Démocratie sans frontières : democracywithoutborders.org.

Il s'agit donc d'une réorientation fondamentale du concept de démocratie dans l'Europe du 21e siècle. Avec une tâche pour les partis politiques transnationaux (voir chapitre 11) de considérer leur propre responsabilité de concevoir des instruments pour défendre la démocratie contre les partis qui abusent (ou voudraient abuser) des procédures de la démocratie afin de détruire cette démocratie. Probablement plus que toute autre organisation au sein d'un système démocratique, les partis politiques devront réfléchir à la sagesse, à la connaissance, à l'humanité, à la justice et à l'intégrité afin d'assurer la viabilité d'une Europe unie au niveau fédéral. Le chapitre 11 ajoute un élément révolutionnaire au rôle et à la tâche exaltés des partis politiques transnationaux.

Explication de la considération IIa 

Les "éléments constitutifs" du fédéralisme en tant qu'institution étatique trouvent leur origine dans la Méthode politique de Johannes Althusius (1603). Le "ciment" permettant de relier inextricablement ces "éléments constitutifs" a été fourni par les écrits des philosophes politiques européens tels qu'Aristote, Montesquieu, Rousseau et Locke, avec leurs points de vue sur la souveraineté populaire et la doctrine de la trias politica. La Constitution fédérale américaine est fondée sur ces écrits, tandis que l'Europe s'est condamnée à faire la guerre pendant des siècles. 

Les philosophes ne sont pas les seuls à avoir fourni le "ciment" des éléments constitutifs du fédéralisme. Il y a aussi des leaders politiques et sociaux - dans l'entre-deux-guerres, par exemple le Britannique Philip Kerr, plus connu sous le nom de Lord Lothian - et après la Seconde Guerre mondiale, l'Italien Altiero Spinelli qui, avec son Manifeste de Ventotene (1941), a jeté les bases de la poursuite du fédéralisme après la guerre. Entre 1945 et 1950, cette aspiration a été portée par un grand nombre de conférences et de plans menés par des hommes d'État, des scientifiques, des personnalités culturelles et des mouvements civils. Mais en 1950, elle s'est radicalement arrêtée avec la "Déclaration Schuman". Bien que la Déclaration exigeait pleinement la création d'une Europe fédérale, elle en confiait l'élaboration aux chefs de gouvernement. C'est ainsi qu'a été créé - involontairement, mais par ignorance coupable de la manière de faire une fédération - l'intergouvernementalisme fondé sur des traités qui conduit l'Union européenne à la fin de son cycle de vie politique actuel. Cela semble être un bon endroit pour une citation de Thomas Jefferson dans une lettre adressée à Roger C. Weightman le 24 juin 1826 : 

"Qu'il soit pour le monde, ce que je crois qu'il sera, (pour certaines parties plus tôt, pour d'autres plus tard, mais finalement pour tous,) le signal qui incitera les hommes à briser les chaînes sous lesquelles l'ignorance et la superstition monacales les avaient persuadés de se lier, et à assumer les bénédictions et la sécurité de l'autonomie gouvernementale." 

Explication de la considération IIb 

À la fin du XVIIIe siècle, les treize anciennes colonies américaines ont résolu le dilemme suivant : "plus jamais de souverain et nécessité de représenter le peuple". Elles ont appliqué le système de souveraineté partagée imaginé par Althusius en inventant la séparation verticale des pouvoirs entre les États souverains et un organe fédéral. Sans sacrifier la souveraineté intégrale des États membres, ils ont demandé à un organe fédéral de s'occuper - avec les pouvoirs des États membres - d'un nombre limitatif d'intérêts communs. 

Contrairement à l'affirmation selon laquelle, dans une fédération, les États membres transfèrent tout ou partie de leur souveraineté dans le sens d'un "abandon et donc d'une perte", ce n'est pas le cas. Les États membres confient une partie de leurs pouvoirs à un organe fédéral pour qu'il s'occupe d'un éventail limité d'intérêts communs. Une fédération n'est pas un super-État qui détruit la souveraineté des États membres. 

La séparation verticale des pouvoirs, qui conduit à une souveraineté partagée entre l'organe fédéral (agissant pour l'ensemble) et les États membres, résout également un autre problème. Il s'agit du principe de subsidiarité. Ce principe, énoncé dans le traité de Lisbonne, stipule que "Les autorités de l'Union européenne devraient laisser aux États membres ce que ceux-ci peuvent mieux faire eux-mêmes". Comme l'article 352 du traité permet au Conseil européen de prendre toute décision qui, selon lui, sert les objectifs de l'Union, le Conseil peut ignorer le principe de subsidiarité. Dans un État fédéral, cet écueil juridique est absent. Dans une fédération, le principe de subsidiarité coïncide avec la séparation verticale des pouvoirs et n'a donc pas besoin d'être mentionné en tant que tel dans les articles de la Constitution. 

Un dernier aspect de cette considération IIb implique que - en raison de l'ensemble restrictif des pouvoirs de l'organe fédéral - tous les autres pouvoirs restent entre les mains des citoyens et des États membres. Cela implique, entre autres, que les États membres conservent leur propre Constitution, leur parlement, leur gouvernement et leur système judiciaire, y compris leurs propres domaines d'action, dans la mesure où ceux-ci ne sont pas définis par la séparation verticale des pouvoirs dans la liste exhaustive des intérêts que l'organe fédéral est tenu de représenter au nom des États membres. Les monarchies éventuelles seront également maintenues. 

Explication sur la considération IIc 

La séparation horizontale des trois pouvoirs - le législatif, l'exécutif et le judiciaire - n'est pas une spécificité de la seule forme d'État fédéral mais sert d'adage à tout État qui veut éviter la domination d'un seul pouvoir. Au sein d'une fédération, cependant, il existe deux particularités. 

Premièrement, dès le premier État fédéral - celui des États-Unis d'Amérique - la trias politica doit être établie tant au niveau de l'organe fédéral qu'au niveau des différents États membres. Deuxièmement, en plus de l'invention de la séparation verticale des pouvoirs mentionnée ci-dessus, la Constitution fédérale des États-Unis d'Amérique a introduit une deuxième innovation : les checks and balances. Dire qu'un État qui se respecte doit considérer la trias politica comme élevée, c'est simplement exprimer une valeur. Mais les valeurs ne peuvent être gardées et préservées que par le biais de normes. C'est pourquoi la Constitution américaine - et aussi cette Constitution européenne - contient des articles qui empêchent que l'action inévitable des trois pouvoirs dans le domaine d'un autre pouvoir ne dérape vers la suprématie d'un pouvoir sur l'autre. À cette fin, il y a les checks and balances. Ce sont les contre-pouvoirs indispensables pour freiner le "désir" toujours présent des trois pouvoirs d'étendre leur complexe de pouvoirs au détriment des pouvoirs des autres. 

Explication de la considération III 

Les citoyens tirent de la Magna Carta anglaise de 1215, du Placard d'abandon néerlandais de 1581, de la Déclaration d'indépendance américaine de 1776 et de la Révolution française de 1789 le droit inaliénable de déposer les gouvernements du corps fédéral s'ils violent les dispositions des points I et/ou II. 

Conformément à l'adage "Toute souveraineté appartient au peuple", les citoyens des Etats-Unis d'Europe sont l'alpha et l'oméga de la fédération. Alpha dans le sens où : ils ratifient la Constitution fédérale et établissent ainsi un système de représentation du peuple, de gouvernement exécutif basé sur la prise de décision politique par l'organe représentatif et de compétence pour régler les différends. Oméga dans le sens du droit inaliénable de révoquer ceux qui abusent de manière inattendue du système fédéral, par exemple en (tentant d')instaurant l'autocratie d'un dirigeant qui veut fonctionner au-dessus de l'état de droit. 

La Constitution améliorée (2021 - 2022)

PREAMBULE 

Nous, les citoyens qui établissons la Fédération Europe en ratifiant cette Constitution,

I. Considérant que
(a) que la Fédération Europe, créée par nous, a la tâche et le devoir de nous soutenir et de nous protéger en tant que citoyens dans notre recherche du bonheur dans une vie humainement digne ;
(b) qu'elle doit soutenir notre quête du bonheur, sur la base de

  • à œuvrer sans relâche pour préserver la diversité de toutes les formes de vie sur Terre et pour protéger et soigner l'environnement naturel pour les générations futures,
  • sur la garantie de la liberté de vivre sa vie sans entraver la liberté des autres,
  • sur l'élimination de toutes les formes de discrimination sur la base du respect de la diversité des cultures, des langues, des ethnies, des croyances et des sciences des citoyens de la fédération et de l'extérieur, ainsi que sur la protection de leurs droits et libertés fondamentaux,
  • en encourageant la confiance et la solidarité entre tous les pays et toutes les régions, en Europe et hors d'Europe, 
  • sur la compassion humaine, le respect et le soutien pour atteindre le bonheur des citoyens de l'extérieur de la fédération qui veulent vivre au sein de la Fédération européenne en accord avec ses lois et les articles de cette constitution, 
  • que, dans l'exercice de ses fonctions, il doit témoigner de la sagesse et de la connaissance, de la dignité et de la justice humaines, et de l'intégrité, dans la pleine conscience qu'il tient ses pouvoirs du peuple, que tous les hommes sur terre naissent égaux en dignité et en droits, et que nul n'est au-dessus des lois. 

II. Considérer davantage :
(a) que cette Constitution fédérale est fondée sur l'héritage culturel, religieux et humaniste de l'Europe, y compris les considérations et les désirs des philosophes européens - et des dirigeants politiques européens - d'unir l'Europe dans une fédération après des siècles de conflits et de guerres ;

(b) que le système fédéral est fondé sur une séparation verticale des pouvoirs entre les États membres et l'entité fédérale à travers laquelle ils partagent la souveraineté ; 

(c) que la séparation horizontale des pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif, tant au niveau de l'entité fédérale qu'à celui des États membres, soit garantie par un solide système d'équilibre des pouvoirs.

III. Considérant que tous les Citoyens ont le droit de résister à toute personne, organisation, institut ou autorité cherchant à abolir cet ordre constitutionnel si aucun autre recours n'est disponible.

IV. Adopter les articles suivants pour la Constitution de la Fédération Europe, 

Exposé des motifs du préambule

Observations générales

Le nom de l'Europe fédérale est un sujet de discussion bienvenu. Parmi les différentes propositions, nous avons choisi le nom de "Fédération Europe", bien que provisoire. Nous laisserons ce choix ouvert jusqu'à ce que le processus puisse produire un meilleur titre.

La phrase "Nous, les citoyens qui établissons la Fédération Europe en ratifiant cette Constitution". montre que cette Constitution est ratifiée par les Citoyens eux-mêmes. Ainsi, de, par et pour les citoyens des États d'Europe, conformément à l'adage "Toute souveraineté appartient au peuple". Le fait que les Citoyens d'Europe ratifient cette Constitution est la forme la plus élémentaire de la démocratie directe. Les noms des États qui deviennent ainsi membres de la Fédération Europe seront ajoutés à la présente Constitution sous forme d'addendum après l'établissement de la Fédération.

Lorsqu'on discute d'un préambule, les questions suivantes reviennent toujours :
- Pourquoi y a-t-il un préambule ?
- Le préambule traite-t-il de valeurs ou d'intérêts ?
- Doit-il s'agir d'un préambule minimaliste ou étendu ?
- Le préambule doit-il être formulé de manière abstraite pour éviter les discussions difficiles - et peut-être les protestations hostiles - ou doit-il prendre une position claire sur les valeurs, quelles qu'en soient les conséquences ? 

Voici les réponses à ces questions.

Pourquoi un préambule ? La base de toute législation est sa motivation. En latin : son "considerans". C'est l'âme de la législation. Sans considération, il n'y a pas de fondement d'une constitution. Sans préambule, on ne sait pas pourquoi on rédige une constitution. Les juges qui doivent évaluer les lois par rapport à la Constitution ne peuvent pas effectuer leur interprétation téléologique sans un Préambule clair.

Valeurs ou intérêts ? Le préambule d'une constitution fédérale porte sur des valeurs. Les valeurs - explicitement formulées dans le préambule - sont les objectifs à atteindre par le déploiement des articles I à X. Ces articles contiennent les normes - lire les moyens - par lesquelles les valeurs - lire les objectifs - doivent être réalisées. La composition d'une constitution est donc un rapport équilibré entre valeurs et normes ou - en d'autres termes - entre fins et moyens.
En revanche, les intérêts - mieux encore les intérêts communs de l'Europe, dont l'Autorité fédérale doit s'occuper - font partie des normes et relèvent donc des articles de la Constitution, et non du préambule.

Minimaliste ou extensif ? Nous n'optons pas pour un préambule minimaliste. Même si nous nous limitons à son étendue, nous voulons faire comprendre pourquoi, après deux cents ans, l'Europe toujours conflictuelle a besoin de toute urgence d'une constitution fédérale. Parce que peu de gens savent ce qu'est une constitution fédérale, ni sa "raison d'être", nous avons opté pour un préambule qui reconnaît ce qui se passe - mieux : ce qui ne va pas - en Europe en énonçant clairement ce qui devrait être gardé et protégé par la constitution fédérale. Un Préambule minimaliste est évasif pour éviter toute opposition. Un tel préambule ne prend pas position. Nous rejetons une telle attitude. Ceux qui partagent notre point de vue et sont prêts à se battre avec nous pour les valeurs que nous mentionnons explicitement dans le Préambule, nous les considérons comme les cofondateurs de cette Constitution. 

Abstrait ou clair ? Parce que l'Europe est à un tournant de son cycle de vie politique, prête pour un nouveau système d'États européens sous la forme d'une Europe fédérale, nous privilégions les mots clairs. Les mots sont importants. Des mots qui guident la voie qu'une Europe fédérale veut suivre. Nous rejetons le langage évasif et cosmétique pour plaire aux gens. Après l'anarchie nobiliaire du Moyen Âge, l'anarchie des États-nations entre 1648 et 1945, l'anarchie des traités depuis 1951, le temps est venu d'un nouveau système d'États européens, un système fédéral, avec la possession tranquille d'un préambule qui énonce clairement l'objectif de la constitution fédérale.

La Fédération Europe est composée des citoyens, des États membres et de l'Autorité fédérale. Les citoyens sont "libres", c'est-à-dire "libres" à bien des égards. Par exemple, ils sont libres de vivre n'importe où dans la fédération, de se développer, d'avoir des croyances religieuses et des traditions culturelles, d'être à l'abri du racisme, de la discrimination, de l'oppression et de l'esclavage, libres d'accéder à la propriété et de jouir de la prospérité économique et financière. Les États membres garantissent l'égalité en dignité et en droits des citoyens dans la réalisation du bien-être socioculturel. L'Autorité fédérale garantit la compassion humaine mutuelle entre les citoyens pour atteindre le bien-être légal et moral au sein des États membres.

Il s'agit d'une Constitution, pas d'un traité. Un "traité constitutionnel" (la base de l'actuel traité de Lisbonne) est comme un "homme enceint" : un phénomène inexistant et donc trompeur. Lorsque des pays ou des régions veulent vivre ensemble en paix et doivent coopérer à travers des frontières historiquement déterminées, mais veulent néanmoins conserver leur autonomie et leur souveraineté, une fédération est la seule forme d'État qui peut le garantir. Ce n'est pas possible avec un traité. Un traité est un instrument permettant aux administrateurs - toujours à la recherche d'une oligarchie - de coopérer dans des domaines politiques sans avoir à rendre régulièrement compte démocratiquement des décisions qu'ils prennent.

Le fait que cette Constitution soit d'abord ratifiée par les citoyens et seulement ensuite par les parlements des États membres indique que - conformément aux aspects élémentaires du fédéralisme formulés par Johannes Althusius dans sa Méthode politique vers 1603 - elle est établie de bas en haut et non imposée d'en haut.

Cette Constitution fédérale garantit l'intérêt commun des citoyens de la Fédération Europe et laisse aux citoyens des États membres, et aux États membres eux-mêmes, le soin de servir leurs propres intérêts. C'est pourquoi cette Constitution fédérale consiste en un nombre limité de règles de nature générale contraignante. Il n'y a pas d'exceptions - opt-outs, motivés par des intérêts nationaux - à ces règles généralement contraignantes. 

Explication de la considération Ia 

'Le "bonheur" consiste dans le développement personnel de la prospérité, du bien-être et du mieux-être. Le fait que les citoyens puissent poursuivre leur bonheur et que les gouvernements doivent les aider à le faire est un élément important de la philosophie politique, dont on trouve également des traces dans la Magna Carta anglaise (1215), le Placard d'abandon néerlandais (1581) et la Révolution française (1789). Il joue un rôle central dans la Déclaration d'indépendance américaine de 1776, par les mots : "Nous tenons pour évidentes ces vérités, que tous les hommes sont créés égaux, qu'ils sont doués par leur Créateur de certains droits inaliénables, que parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur."

Il contraste avec la réalité des pays dont les gouvernements oppriment, persécutent, trompent ou nient le bonheur de leurs citoyens. Nous ne voulons laisser aucun doute sur le fait que le sens global de ce préambule est de contribuer à l'aspiration des citoyens à être heureux dans une vie humainement digne en donnant aux autorités responsables - mentionnées dans la Constitution - les moyens constitutionnels et le mandat d'aider leurs citoyens à y parvenir.

Un État fédéral reconnaît une identité culturelle européenne dans le respect de la diversité des langues au sein de la Fédération et des identités culturelles au sein des États membres. Nous reconnaissons et soutenons le droit de tous les pays, régions et territoires qui font partie de la Fédération européenne à préserver leur langue et leur identité culturelle.

Explication de la considération Ib 

En premier lieu, cette considération donne à la fédération la tâche de travailler sans relâche à la préservation de la diversité de toutes les formes de vie sur Terre. L'échec de la préservation de la diversité de toutes les formes de vie menace la vie humaine sur Terre. Cette tâche exige une coopération, une expertise et une fiabilité maximales au sein des autorités de la fédération. Il y a lieu de citer Greta Thunberg : "Nous méritons un avenir sûr. Et nous exigeons un avenir sûr. Est-ce vraiment trop demander ?" (Grève mondiale pour le climat, New York, 20 septembre 2019).

Deuxièmement, la fédération respecte au maximum la diversité dans la vie sociale. Partout où elle disparaît, des monocraties sont créées, condamnant certaines parties de la société à la consanguinité. La diversité des cultures, des langues, des ethnies, des croyances et des sciences crée également de nouvelles sciences, cultures, ethnies et religions. Cette Constitution rejette donc toute agitation visant à protéger la soi-disant "priorité à son propre peuple ou à son propre pays" et utilisera tous les moyens légaux pour combattre une telle agitation.

La Fédération Europe partage sa place sur Terre avec tous les autres peuples et ne s'enferme pas derrière les murs d'une "Forteresse Europe". La fermeture des frontières extérieures à des fins de protectionnisme de son propre peuple ne figure pas dans la liste des crimes contre l'humanité, mais elle est néanmoins lourdement sanctionnée : la disparition à terme de ce que l'on souhaite préserver. En d'autres termes : des frontières extérieures ouvertes, pas des frontières fermées. Cela crée des obligations :

  • Renforcer la position et la capacité démographiques et géopolitiques de l'Europe 
  • Concevoir et mettre en œuvre des plans tels que le plan Marshall (1948-1952) pour soutenir les pays pauvres dans leur développement économique afin d'éliminer la nécessité de fuir en Europe. 
  • Avec effet immédiat, promouvoir, en recherchant la collaboration de la communauté internationale, une existence humaine pour les quelque quatre-vingts millions de réfugiés qui se demandent sur la terre. 
  • En considérant la mise en œuvre de cette dernière comme l'un des intérêts communs de la fédération.

Cette Constitution est donc une tâche et une opportunité pour un renouvellement politique fondamental maintenant que les démocraties d'après-guerre sont arrivées au terme d'un cycle de vie de soixante-quinze ans et ont conduit à l'exclusion des citoyens au profit d'une gouvernance basée sur des traités qui, par sa nature même, est devenue de plus en plus oligarchique et protectionniste. L'égoïsme agissant contre le principe d'altruisme, c'est la perte de l'humanité sur Terre.

Soit dit en passant, dans le préambule sous Ib, nous avons remplacé les mots "tous les hommes" par "tous les peuples". Une interprétation trop littérale du mot "hommes" pourrait suggérer que 51% de la population, les femmes, seraient exclues.

Explication de la considération Ic 

La fin prévisible du cycle de vie politique des démocraties d'après-guerre, comme nous venons de le mentionner, place les pays qui cherchent à protéger la démocratie dans un "tour de force" comparable à la révolution des Lumières. La démocratie et la représentation du peuple doivent être réinventées sur la base du principe suivant : "Toute souveraineté appartient au peuple". Ajoutons que toute souveraineté appartient à "la volonté primitive de bien, de beauté et de vérité", dont chaque être humain est une expression unique qui doit être traitée et respectée en tant que telle, à commencer par nos enfants, conséquences de "l'aspiration de la vie à elle-même".

Le Traité de Lisbonne doit être remplacé par une Constitution qui prend comme point de départ la représentation des citoyens. Cela implique, entre autres, que
(a) l'abolition du Conseil européen des chefs de gouvernement et d'État, une monstruosité juridique, très éloignée de l'essence de la démocratie ;
(b) la création d'une Chambre des citoyens, basée sur le vote populaire, la représentation proportionnelle dans une circonscription - le territoire de la Fédération ;
(c) la création d'une Chambre des États ; les sénateurs sont nommés par les parlements de leurs États membres ;
(d) un gouvernement exécutif dirigé par un président élu par les citoyens. Ainsi, doté d'un mandat démocratique ;
(e) une Cour suprême politiquement indépendante, dont les membres sont nommés après un examen minutieux des critères de nomination dans un système d'équilibre des pouvoirs.

La raison est expliquée par Thomas Jefferson : "Ne laissez aucune autorité existante non responsable devant le peuple." Cela ne peut réussir qu'avec sagesse & connaissance, humanité & justice, et intégrité. Avec seulement deux certitudes : si elle réussit, c'est une révolution cruciale pour la préservation de l'Europe. Si elle échoue, d'ici la fin de ce siècle, après le dernier conflit entre traité et anarchie en Europe, quelqu'un éteindra la lumière en Europe.

Les démocraties ne peuvent pas empêcher les élections de donner naissance à des groupes au sein des institutions démocratiques qui souhaitent utiliser leur pouvoir contre la démocratie. Les tendances autocratiques sont toujours présentes. La présente Constitution permet aux institutions de la démocratie de faire face autant que possible aux abus des procédures démocratiques en mettant en place des mécanismes de défense.

Il s'agit donc d'une réorientation fondamentale du concept de la démocratie en 21st siècle. Avec une mission pour les partis politiques transnationaux (voir le chapitre 11 de la "Boîte à outils constitutionnelle et institutionnelle pour l'établissement de la Fédération européenne" : https://www.faef.eu/wp-content/uploads/Constitutional-Toolkit.pdf ) à considérer leur propre responsabilité de concevoir des instruments pour défendre la démocratie contre les partis qui abusent des procédures de la démocratie afin de détruire cette dernière. Des critères d'organisation devraient être formulés afin de se qualifier pour la nomination en tant qu'organisation de parti transnational démocratique. Probablement plus que toute autre organisation au sein d'un système démocratique, les partis politiques devront réfléchir à la sagesse, à la connaissance, à l'humanité, à la justice et à l'intégrité afin d'assurer la viabilité d'une Europe unie au niveau fédéral.

Explication de la considération IIa 

Les "éléments constitutifs" du fédéralisme en tant qu'institution étatique trouvent leur origine dans la Méthode politique de Johannes Althusius (1603). Le "ciment" permettant de relier inextricablement ces "éléments constitutifs" a été fourni par les écrits des philosophes politiques européens tels qu'Aristote, Montesquieu, Rousseau et Locke, avec leurs points de vue sur la souveraineté populaire et la doctrine de la trias politica. La Constitution fédérale américaine est fondée sur ces écrits, tandis que l'Europe s'est condamnée à faire la guerre pendant des siècles.

Les philosophes n'ont pas été les seuls à fournir le "ciment" des éléments constitutifs du fédéralisme. Il y a aussi des leaders politiques et sociaux - dans l'entre-deux-guerres, par exemple le Britannique Philip Kerr, plus connu sous le nom de Lord Lothian - et après la Seconde Guerre mondiale, l'Italien Altiero Spinelli qui, avec son Manifeste de Ventotene (1941), a jeté les bases de la poursuite du fédéralisme après la guerre. Entre 1945 et 1950, cette aspiration a été portée par un grand nombre de conférences et de plans menés par des hommes d'État, des scientifiques, des personnalités culturelles et des mouvements civils. Mais en 1950, elle a radicalement cessé avec la "Déclaration Schuman". Bien que cette déclaration exigeait pleinement la création d'une Europe fédérale, elle en confiait l'élaboration aux chefs de gouvernement, chargés de créer une Europe fédérale sur la base de traités. C'est ainsi qu'a été créé - involontairement, mais par ignorance coupable de la manière de faire une fédération - l'intergouvernementalisme fondé sur des traités qui conduit l'Union européenne à la fin de son cycle de vie politique actuel.

C'est le bon endroit pour citer Thomas Jefferson dans une lettre adressée à Roger C. Weightman le 24 juin 1826 : "Puisse-t-elle être pour le monde, ce que je crois qu'elle sera, (pour certaines parties plus tôt, pour d'autres plus tard, mais finalement pour toutes) le signal qui incitera les hommes à briser les chaînes sous lesquelles l'ignorance et la superstition monacales les avaient persuadés de se lier, et à assumer les bénédictions et la sécurité de l'autonomie."

Cela signifie, dans notre perspective, que l'"autonomie" devra être organisée dans un espace mental collectif, dont les dimensions devront être clairement définies.

Explication de la considération IIb 

Les treize anciennes colonies américaines à la fin de l'année 18th siècle ont résolu le dilemme "plus jamais de souverain par rapport à la nécessité de représenter le peuple". Ils ont appliqué le système de souveraineté partagée imaginé par Althusius en inventant la séparation verticale des pouvoirs entre les États souverains et une entité fédérale. Sans sacrifier la souveraineté intégrale des États membres, ils ont demandé à une autorité fédérale de s'occuper - avec les pouvoirs des États membres - d'un nombre limitatif d'intérêts communs.

Contrairement à l'affirmation selon laquelle, dans une fédération, les États membres transfèrent tout ou partie de leur souveraineté dans le sens d'un "abandon et donc d'une perte", ce n'est pas le cas. Les États membres confient une partie de leurs pouvoirs à un organe fédéral pour qu'il s'occupe d'un éventail limité d'intérêts communs. Une fédération n'est pas un super-État qui détruit la souveraineté des États membres.

La séparation verticale des pouvoirs, qui conduit à une souveraineté partagée entre l'organe fédéral (agissant pour l'ensemble) et les États membres, résout également un autre problème. Il s'agit du principe de subsidiaritéCela signifie avant tout que les citoyens doivent faire ce qu'ils peuvent faire de mieux pour eux-mêmes en vue de leur prospérité, que les États membres doivent faire ce qu'ils peuvent faire de mieux pour leurs citoyens en vue de leur bien-être et que la Fédération doit faire ce qu'elle peut faire de mieux pour les citoyens des États membres en vue de leur bien-être. Mais il s'agit d'une réflexion structurée sur ce qu'il faut faire, comment le faire et pourquoi le faire, sur des questions qui n'ont pas encore de réponse.

Le principe énoncé dans le traité de Lisbonne est le suivant Les autorités de l'Union européenne devraient laisser aux États membres ce que les États membres peuvent mieux faire eux-mêmes". L'article 352 du traité permettant au Conseil européen de prendre toute décision qui, selon lui, sert les objectifs de l'Union, le Conseil peut ignorer le principe de subsidiarité. Dans un État fédéral, cet écueil juridique est absent. Dans une fédération, le principe de subsidiarité coïncide avec la séparation verticale des pouvoirs et n'a donc pas besoin d'être mentionné en tant que tel dans les articles de la Constitution.

Un dernier aspect de cette considération IIb implique que - en raison de l'ensemble restrictif des pouvoirs de l'organe fédéral - tous les autres pouvoirs restent entre les mains des citoyens et des États membres. Cela implique, entre autres, que les États membres conservent leur propre Constitution, leur parlement, leur système judiciaire et leur organe exécutif, ainsi que leurs propres domaines d'action, dans la mesure où ceux-ci ne sont pas définis par la séparation verticale des pouvoirs dans la liste exhaustive des intérêts que l'organe fédéral est tenu de représenter au nom des États membres. Les monarchies éventuelles seront également maintenues.


Explication sur la considération IIc 

Quant à la séparation horizontale, l'ordre devrait être le suivant : législatif, judiciaire et exécutif. Le pouvoir législatif est un pouvoir stratégique (répondant aux questions morales "pourquoi"), conseillé par le pouvoir judiciaire - un pouvoir tactique (répondant aux questions culturelles "comment") - qui contrôle le pouvoir exécutif, qui est un pouvoir opérationnel (répondant aux questions financières "quoi"). Ces trois pouvoirs/branches sont transcendants car la "souveraineté" est un pouvoir transcendant. 

Tout bien considéré : la "séparation horizontale" devrait être une "séparation qualifiée" des pouvoirs, également équilibrée. Ces trois pouvoirs sont égaux et interdépendants dans une structure triarchique, équilibrée par un système de freins et de contrepoids. Si l'on considère que ces pouvoirs forment un cercle, on peut trouver la "sagesse" au centre.

La séparation horizontale des trois pouvoirs - le législatif, le judiciaire et l'exécutif - n'est pas une spécificité de la seule forme d'État fédéral mais sert d'adage à tout État qui veut éviter la domination d'un seul pouvoir. Au sein d'une fédération, cependant, il existe deux particularités.

Premièrement, dès le premier Etat fédéral - celui des Etats fédérés d'Amérique - la trias politica doit être établie tant au niveau de l'organe fédéral qu'au niveau des différents Etats membres. Deuxièmement, en plus de l'invention de la séparation verticale des pouvoirs mentionnée ci-dessus, la Constitution fédérale des Etats fédérés d'Amérique a introduit une deuxième innovation : les checks and balances. Dire qu'un État qui se respecte doit considérer la trias politica comme élevée, c'est simplement exprimer une valeur. Mais les valeurs ne peuvent être gardées et préservées que par le biais de normes. C'est pourquoi la Constitution américaine - et aussi cette Constitution européenne fédérale - contient des articles qui empêchent que l'action inévitable des trois pouvoirs dans le domaine d'un autre pouvoir ne dérape vers la suprématie d'un pouvoir sur l'autre.

À cette fin, il y a les freins et contrepoids. Ce sont les contre-pouvoirs indispensables pour freiner le "désir" toujours présent des trois pouvoirs d'étendre leur complexe de pouvoirs au détriment des pouvoirs des autres.

Les freins et contrepoids concernent l'intégration de trois "espaces mentaux" distincts, avec leurs propres définitions de leurs ensembles de valeurs morales et de normes éthiques. Il est préférable de ne pas envisager les trois pouvoirs/branches de manière linéaire, mais de les envisager de manière circulaire, chacun d'entre eux ayant son propre centre de définition de l'intégrité administrative. On ne peut se passer d'aucun des deux autres. Pour chacun d'entre eux, différents ensembles de questions "pourquoi", "comment" et "quoi" sont valables, et doivent être définis pour chacun d'entre eux par rapport aux autres.

Explication de la considération III 

Les citoyens tirent de la Magna Carta anglaise de 1215, du Placard d'abandon néerlandais de 1581, de la Déclaration d'indépendance américaine de 1776 et de la Révolution française de 1789 le droit inaliénable de déposer les gouvernements de l'entité fédérale s'ils violent les dispositions des points I et/ou II.

Conformément à l'adage "Toute souveraineté appartient au peuple", les citoyens de la Fédération européenne sont l'alpha et l'oméga de la fédération. Alpha dans le sens où ils ratifient la Constitution fédérale et établissent ainsi un système de représentation du peuple, de gouvernance exécutive basée sur la prise de décision politique par l'organe représentatif et la compétence pour régler les différends. Oméga dans le sens du droit inaliénable de révoquer ceux qui abusent de manière inattendue du système fédéral, par exemple en (tentant d')instaurant l'autocratie d'un dirigeant qui veut fonctionner au-dessus de l'état de droit.

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